Pôle Emploi : nous nous occupons des gens qui en ont vraiment besoin
J’aime le travail : il me fascine. Je peux rester des heures à le regarder.
Jerome K. Jerome, Trois hommes dans un bateau http://evene.lefigaro.fr/citation/aime-travail-fascine-peux-rester-heures-regarder-51707.php
Pour autant les déménagements personnels et les contextes professionnels peuvent amener un salarié à se retrouver en période de chômage. Le chômage, chômer…
Un peu d'éthymologie
Le dictionnaire m’apprend le sens arrêté des mots, il définit pour le mot chômer :
- Emploi trans. Suspendre son travail pendant les jours fériés pour célébrer une fête civile ou religieuse.
Ex. : “Tiens, maître Gosselin a mis ses chausses rouges : c’est aujourd’hui un jour à chômer.” dans La vie quotidienne au temps de St Louis, Faral. - Emploi gén. intrans. [En parlant d’une pers., d’une usine, d’un secteur quelconque de l’activité] Cesser le travail par manque d’ouvrage.
Ex. : “Depuis deux mois, la houille restait sur le carreau de ses fosses, presque toutes les usines chômaient.” dans Germinal, Zola. - Vx, emploi trans. indir. Manquer de quelque chose.
Ex. : Chômer de nourriture, de livres.
L’étymologie est, elle aussi, à étudier : du bas latin “caumare”, “se reposer pendant la chaleur” attesté au 6e siècle.
Comme d’habitude, le sens change. Il désigne tout d’abord le repos pendant la chaleur au 6e siècle, au 12e siècle "ne pas chômer de" veut dire "ne pas arrêter de, ne pas cesser de" puis au 13e siècle il prend le sens de "ne pas travailler". Personnellement en période de chômage, je n’arrête pas ! En revanche il faut reconnaître que j’arrête de pointer au bureau et j’arrête de fournir des livrables à un employeur. Pour faire de l’informatique, un ordinateur suffit et il suffit de demander à n’importe quel geek pour comprendre qu’il y a toujours à faire avec un ordinateur : développer son projet perso, faire des recherches sur sa passion du moment, apprendre un nouveau langage ou toute nouvelle capacité, écrire sur son blog ou finir son jeu vidéo. Sans parler de la vie de tous les jours, des déménagements, des aménagements, des voyages.
Bref !
C’est aussi le moment de faire le point sur ce qu’on veut faire, sur ce qu'on peut faire, et ça, c’est formidable et effrayant à la fois. Chacun sa voie.
Les charges entrainent des droits
Mais pour tous il y a la case Pôle Emploi. Je ne reviendrai pas sur les victoires sociales nécessaires pour en arriver là, en revanche je voudrai revenir sur l’expérience que j’y ai vécue.
J’ai profité de Pôle Emploi à deux reprises : la première fois pendant 6 mois et la deuxième fois est toujours en cours, mais plus pour longtemps.
Chaque mois vous travaillez pour financer – entre votre brut et votre net – une part à l’assurance chômage et autre CSG. Comme toute assurance, ce n’est pas une épargne : les charges que vous payez en travaillant servent à ceux qui ne travaillent pas. {" Ce que vous recevez en allocations lorsque vous ne travaillez pas n’est pas payé par ce que vous aviez cotisé mais par la richesse que les actuels travailleurs créent. "
Connaissez-vous votre bulletin de paye ?
Quel bonheur d’être son propre patron pour peu d’avoir les moyens financiers de l’être : héritage, placement, spéculation ou tout simplement prime de licenciement puis allocations chômage. Décidez de son activité, non pas en se basant sur sa rentabilité, mais en se basant sur des valeurs plus personnelles. Ça tombe bien car si on est un peu perdu ou effrayé face au marché de l’emploi, de larges instants sont offerts à la sérendipité et autres loisirs créatifs par pôle emploi : le premier rendez-vous avec un conseiller pour travailler sur le cv, l’orientation professionnelle, la recherche d’annonces, le passage d’entretiens est très tard. Au cours de mes deux expériences, il a fallut attendre 3 mois et 6 mois avant de rencontrer quelqu'un.
Ma première fois avec pôpôle
La première fois, j’en ai profité pour faire un bilan de compétences proposé par la conseillère qui me recevait. Le bilan de compétence est sous-traité. Il coûte assez cher, mais rassurez-vous (ou inquiétez-vous) c’est à la charge de pôle emploi. Ce n’était pas du tout ce à quoi je m’attendais.
Le résultat du bilan ? Le bilan confirme que je suis autonome dans ma recherche d’emploi, que j’ai les compétences suffisantes pour écrire un cv repérable et une lettre de motivation motivante. \o/
J’ai préféré le test MBTI pour en savoir plus sur soi.
De retour en rendez-vous avec la conseillère de pôle emploi, nous discutâmes marché de l’emploi informatique local : c’est à dire SSII. Elle me proposait des annonces d’administrateur réseau alors que je n’ai occupé uniquement que des postes de développeurs. Évidemment elle n’était pas spécialiste, elle ne faisait pas la différence entre un geek à lunettes et un geek à barbe ou vice versa. Finalement j’ai trouvé un job en lisant ma timeline twitter que je suis tombé sur un article parlant d’une société d’édition de logicielle toulousaine, je les ai appelés, quelqu’un venait de les quitter, ils m’ont embauché.
Bref, ma première fois chez Pôle Emploi était déjà un mauvais souvenir, il n’a été utile qu’au versement de l’allocation au retour à l’emploi (ARE).
Ma deuxième fois, pas mieux
La deuxième fois je savais à quoi m’attendre. J’ai suivi la procédure à la lettre : connexion mensuelle au site de pôle emploi pour m’actualiser et recherche active de travail auprès de mon réseau et des services en ligne comme viadeo ou linkedin. Si vous n’avez jamais été sur le site, vous ratez quelque chose : tout est fait pour compliquer la tâche de l’utilisateur, et encore je touche en ordinateur ; je n’ose même pas imaginer le calvaire du chercheur d’emploi de 50 ans qui sait pourtant très bien se servir de viadeo. Les pages ne sont pas clairement identifiables, les liens des menus changent sans arrêt, les process sont d’une autre époque.
Petit détail sur l'actualisation mensuelle de mon statut de chercheur d'emploi qui suit la procédure suivante :
- se connecter avec ses identifiants : toujours les mêmes [capture]
- cliquer sur "je m'actualise" entre telle et telle date [capture]
- valider les 6 mêmes questions : répondre toujours "non" sauf la dernière question – êtes-vous toujours à la recherche d'un emploi ? – répondre "oui" [capture]
- et non pas d'autres étapes…
Pour un informaticien, mais pour tous ceux qui n'aiment pas les pertes de temps, je dois avouer que c'est quand même très agaçant. C'est la seule chose à faire pour toucher ses ARE ; c'est la seule obligation mensuelle (en tout cas dans les 6 premiers mois) pour ne pas être radié ; c'est toujours la même chose et ça n'apporte rien.
J’ai été convoqué une première fois, assez tôt, pour mon inscription, entretien qui s’est conclu par la validation de mon autonomie quant à la recherche d’emploi et, petite nouveauté, au transfert de mon dossier à l’agence spécial cadre. Mais elle a quoi de spécial l’agence spécial cadre ? "Eh bien Monsieur, les besoins des cadres sont spécifiques, les agents ici sont spécialisés pour accompagner les cadres vers le retour à l’emploi."
Voilà comment j'ai traduit : "Je vous en pose des questions Monsieur ? Les cadres ont un métier plus difficile et plus important que les autres et je ne dis ça que pour vous flatter. Les agents ici ont eu une semaine de formation, mais ils se spécialisent surtout sur le tas puisqu’ils ne voient que des cadres qui sont pour la grande majorité largement capable d’écrire un cv et de retrouver un boulot ; vous comprendrez donc que les agents ici ont eu une promotion puisqu’on a moins de travail."
Je me demande bien ce qui diffère tant les cadres des autres salariés alors qu’il y a plus de points communs entre le travail et la convention collective un développeur informatique non cadre et un développeur informatique cadre, qu’entre un développeur informatique cadre et un directeur d’agence bancaire, cadre lui aussi.
Au bout de 6 mois je suis donc convoqué à un entretien avec une conseillère spécialiste cadre informatique qui tombe des nues lorsqu’elle lit les premières lignes de mon cv "développeur passionné" : "Eh bien Monsieur, c’est très bien d’être passionné, tout le monde ne l’est pas." La traduction emprunte exactement le même modèle (voir la traduction ci-dessus) que précédemment : flatterie, et preuve qu’elle n’est spécialiste de rien. La spécialiste cadre informatique ne connait pas le monde du travail, elle n’a donné qu’une preuve de son inexpérience : elle a cité AS/400 pour illustrer le vocabulaire hyper-spécialisé – et donc l'intérêt d'un pôle emploi spécial cadres avec des conseillers spéciaux pour l'informatique – d’un informaticien, en 2013. Elle ne connait pas les boites d’éditions logicielles à Toulouse – il n'y en a pas beaucoup pourtant –, elle ne connait que Expectra, groupe Ranstad, ou Capgemini. En fait elle regarde la tv comme tout le monde.
De toute façon mon cv est à jour, j’ai déjà décroché des entretiens, j’attends encore des réponses. Bref, ma deuxième fois est identique – au folklore près – à la première : je suis autonome pour mon retour à l’emploi, pôle emploi ne sera utile que pour m’aider financièrement.
Retour d'expérience
Pour ceux qui comme moi sont autonomes, Pôle Emploi se doit d’être un soutien psychologique pour aider le chercheur à tenir la distance. Plus que nécessaire en ces temps de capitalisation – il y aurait de quoi payer le travail si on arrêtait de payer le capital – à l’image des lièvres dans les marathons difficiles.
Pour ceux qui ont besoin d’aide, il serait plus utile d’avoir un premier rendez-vous avec un conseiller le plus tôt possible, lors de la rédaction du cv, pas 6 mois après l’inscription. J’avais rencontré des conseillers d’orientation à la fac, je les avais classés à l’époque dans une catégorie peu glorieuse ne s’intéressant ni aux métiers, ni aux étudiants. Je catégorise, c’est certain, mais en partant de mon expérience jamais contre-dite. Leur seul recommandation envers un étudiant souhaitant s’orienter vers l’informatique : "Inutile de tenter le DEUG MIAS, seuls les anciens élèves d’école d’ingénieur réussissent. Et c’est le seul moyen de faire une licence d’informatique."
Bullshit!
Pour aller plus loin :
- L'avenir du travail par Albert Jacquart, 1999
- Nous entrons dans l'ère du travail contributif par Bernard Stiegler, 2013
- Inculture(s) 5 : le travail par Scop le Pavé, 2013